Promenades en Normandie avec un guide nommé Marcel Proust

Je m'arrêtais devant elle en une courte station et le temps de faire mes dévotions à la « vue » que, pour une fois, elle découvrait au-delà de la colline à laquelle était adossé l'hôtel (...) (...) Je vous parlais, l'autre jour, de l'église de Balbec comme d'une grande falaise, une grande levée des pierres du pays, mais inversement, me dit-il en me montrant une aquarelle, regardez ces falaises (c'est une esquisse prise tout près d'ici, aux Creunier) (...) Il m'avait dit le bien que je lui ferais, en allant le voir dans cette garnison dont, le surlendemain du jour où il avait quitté Balbec, le nom m'avait causé tant de joie quand je l'avais lu sur l'enveloppe de la première lettre, que j'eusse reçue de mon ami. Quelquefois, à l'automne, entre les courses de Deauville, les eaux et le départ pour Guermantes et les chasses (...) (...) Mme de Cambremer eût préféré aller se promener ou rester dans ses merveilleux jardins, au bas desquels le flot assoupi d'une petite baie vient mourir au milieu des fleurs. Elle voulut descendre sur la digue, voir cette plage dont ma grand-mère lui parlait tous les jours en lui écrivant. Nous regardions la mer calme où des mouettes éparses flottaient comme des corolles blanches. De l'octroi, la voiture s'étant arrêtée pour un instant à une telle hauteur au-dessus de la mer que, comme d'un sommet, la vue d'un gouffre donnait presque le vertige, j'ouvris le carreau (...) Nous portons d'or à trois faces brétéchées de gueules à cinq pièces, chacune chargée d'un trèfle d'or. Marcel Proust