L'histoire des derniers mois de l'Occupation, des premiers jours de la Libération, retient les noms de quelques villes, les noms de quelques hommes et de quelques femmes. Cherbourg est au nombre des cités oubliées. Or après le succès du débarquement allié du 6 juin, l'absence de tout port rendait indispensable la saisie de la ville. Saisie qui ne se fit pas sans difficiles combats, le 7e corps d'armée U.S., bien qu'appuyé par une puissante aviation et par une force navale chargée de neutraliser les batteries côtières, ayant affaire à un adversaire pugnace qui ne capitula que le 26 juin. Honneur serait rendu aux soldats vainqueurs. On allait oublier les sauveteurs, ceux qui, en toutes circonstances, sous les bombardements aussi bien qu'à travers les champs de mines, s'étaient dévoués pour relever et transporter les blessés, relever et enterrer les morts. Il fallait réparer cette injustice. Cécile Armagnac raconte sans emphase, avec beaucoup de sincérité, de réalisme, voire d'humour, dans son livre Ambulancières en Normandie (Cherbourg-Caen : 1944), ce que fut sa vie et la vie quotidienne de ses camarades dans des situations dont la répétition faisait parfois oublier combien elles étaient dramatiques. Mais comment ne pas être frappé par la disproportion existant entre les énormes moyens rassemblés pour tuer et les faibles moyens réunis pour sauver? Deux ambulances et trois conductrices – dont l'une sera tuée – pour la section de Cherbourg! Trois conductrices qui, avec dévouement et bonne humeur, firent leur devoir dans un temps où, beaucoup cherchant plus ou moins légitimement à se protéger, « faire son devoir » c'était accepter une addition de périls quotidiens. Henri AMOUROUX, de l'Institut.